Au mois de novembre 1997, j'ai présenté à l'Institut Diocésain de Formation pour les Laïcs du diocèse d'Aix-en-Provence et d'Arles la Lettre aux Catholiques de France : Proposer la foi dans la société actuelle. Cette lettre avait été écrite par les évêques de France au cours de l' Assemblée Plénière de Lourdes au mois de novembre 1996.
LETTRE AUX CATHOLIQUES DE FRANCE
Je commencerai mon exposé en citant un texte que j'aime beaucoup, un texte d' Ademar de BORROS, poète brésilien :
"Dans la nuit de NOEL, j'ai eu un songe
J'ai rêvé que je cheminais sur la plage en compagnie du SEIGNEUR
Et que, dans la toile de ma vie
Se réfléchissaient tous les jours de ma vie.
J'ai regardé en arrière et j'ai vu qu'à ce jour,
Où passait le film de ma vie
Surgissaient des traces sur le sable
L'une étaient la mienne et l'autre était du Seigneur.
Ainsi nous continuions à marcher
Jusqu'à ce que tous mes jours fussent achevés.
Alors je me suis arrêté et j'ai regardé en arrière.
J'ai retrouvé alors qu'en certains endroits
Il y avait seulement une empreinte de pied
Et ces lieux coïncidaient justement avec les jours
Les plus difficiles de ma vie,
Les jours de plus grande angoisse et de plus grande peur
Et de plus grande douleur.
J'ai donc interrogé :
«Seigneur, tu as dit que tu étais avec moi
Tous les jours de ma vie
Et j'ai accepté de vivre avec toi.
Mais pourquoi m'as-tu laissé seul dans les pires moments de ma vie?»
Et le Seigneur me répondit :
«Mon fils, je t'aime : j'ai dit que je serai avec toi durant toute la promenade
et que je ne te laisserai pas une seule minute, et je ne t'ai pas abandonné.
Les jours où tu as vu à peine une trace sur le sable furent les jours où je t'ai porté...»"
Ce poème nous invite à découvrir ou plutôt à redécouvrir que, pour regarder en arrière et relire
le film de sa vie ou le film de la vie du monde dans lequel nous vivons, il faut certes se donner
des moyens, d'où la nécessité d'une analyse de la réalité grâce à des grilles, mais il ne faut pas,
non plus, oublier de porter un regard de foi sur cette réalité. C'est ce que fait, d'ailleurs, la
révision de vie des mouvements d'action catholique avec leur "voir, juger, agir". Le "voir" est de
l'ordre de l'analyse, alors que le "juger" est du côté du regard de foi, c'est une relecture du "voir"
à la lumière de l'évangile. Quand l'analyse ou le "voir" prend toute la place, cela conduit à des
dérives. En effet, il nous faut, aussi, le regard de Dieu, c'est-à-dire un regard nourri de la
contemplation de l'évangile, pour nous aider à regarder en arrière, pour nous permette de relire
correctement le film de notre vie, pour reconnaître que notre quotidien, qui nous apparaît si souvent
comme banal, monotone et répétitif, est le lieu de la quête incessante de Dieu à notre égard. Vu dans
le regard de Dieu, dont l'amour nous cherche et nous précède, notre présent devient une aventure
d'amour et de foi. C'est cet amour qu'il nous faut discerner, accueillir et recueillir dans la foi
pour qu'il dépose sur la grisaille de notre monde, de nos vies et de nos jours un reflet de la
tendresse de Dieu.